dimanche 14 décembre 2008

La biographie

Ce serait ma dernière entrée dans ce journal, à moins que je continue un jour ma recherche dans ce monde {j'espère que oui!}. Alors, peut-être un jour y aura-t-il un nouveau message ici; je vous laisse en suspense.

Marjane Satrapi, Persepolis

Le style de cette BD est assez différent; comme on a discuté, il ressemble aux vieilles gravures sur bois:
J'aime aussi l'organisation des cases, qui sont plutôt comme des plans d'un film. Par exemple, sur la planche 3, elle montre les révolutionnaires, leurs bras dans l'air, tout synchronisés et non réalistes. Elle l'a combiné avec son idée du blanc sur noir; dans les cases où l'action qui se passe est plutôt sur un arrière-plan de noir et où elle utilise l'espace négatif, elle veut montrer des événements dans sa vie dont elle ne se souvient pas, mais dont elle a entendus. Cet effet a deux aspects que je trouve importants.

1. Ces « souvenirs » ne sont donc que les choses dont elle est censée se souvenir, et l'image qu'elle en a créée vient des paroles de quelqu'un d'autre ou d'une image dans les médias qu'elle a vue. C'est comme les histoires que nous entendons de notre enfance - la fois où Caroline a mangé les sandwiches de beurre de cacahuète de son frère et de son ami aînés pendant qu'ils étaient dans la salle de bains, ou la fois où Caroline a vomi dans la bouche de sa marraine {je ne peux pas l'avouer, car je ne me souviens pas de cet incident, mais je peux vous dire que je n'avais qu'un an, alors on ne peut pas se fâcher trop contre moi pour ça}. D'une manière, alors, c'est comme un film parce que c'est une représentation idéalisée ou stylisée par quelqu'un, et non un « vrai » souvenir ou une « vraie » image. C'est plutôt très artistique, comme un film, ou comme une peinture de David.



2. Le noir et blanc et le contraste entre eux en combinaison avec une image qui est évidemment pas une représentation d'une vraie image donne un grand effet de l'expressionnisme.
Pour faire bonne mesure.

L'expressionnisme {comme vous le savez bien, je suppose} est surtout basé sur le monde intérieur de l'artiste; on montre ce qu'on voit dans la tête ou ce qu'on ressent, et Satrapi nous indique avec ces images que sa BD est pleine de cette sorte de représentation, ce qui n'est pas choquant puisque c'est une auto-biographie. Il y a aussi le contraste entre le « 'je' narrant » et je « 'je' narré », où elle nous donne de la perspective car nous voyons ainsi son opinion comme adulte qui s'en souvient et comme enfant qui le vit.

J'aime aussi qu'elle compare son image de Dieu à la photo de Marx; quand j'étais petite, j'ai vu un Dieu qui ressemblait parfaitement au prêtre de ma paroisse.

À la risque d'être un peu égoïste, je vous montre un autre exemple de l'expressionnisme que je connais bien, puisque j'y ai joué une fois. Et voilà un joli personnage de notre représentation:

Évidemment, il n'est pas censé ressembler à quelque chose de vrai. J'aime bien l'expressionnisme; ça fait vraiment une partie importante de théâtre, je pense.


Joann Sfar, Piano

Je vois cette BD comme un album {il n'y a pas vraiment un mot en français pour « scrapbook », mais c'est ce que c'est} de la vie de Sfar. Il arrange les parties de sa vie un peu au hasard, il nous semble, mais il revient toujours aux sujets déjà mentionnés. Par exemple, sur la planche 3, il parle de Franz Kafka, puis il va directement à une anecdote avec sa femme qui parle d'autres BDs. Juste après, il décrit son groupe de rock; en ce moment, nous pensons qu'il raconte des petites parties de sa vie sans organisation. Mais il nous surprend - sur cette même planche, à la fin, il dessine le guitariste de son groupe qui, dit-il, ressemble à Franz Kafka. C'est un peu une histoire circulaire, mais j'aime bien ce style - partiellement parce que moi, je raconte des histoires de la même façon. Par exemple...

Ah, ouais, Franz Kafka. Un jour, quand je parlais aux amis dans le théâtre au lycée {et maintenant, vous dites « quoi? ça n'a rien à voir »}, quelqu'un m'a raconté l'histoire du soir précédent; il avait fait des « cookies existentialistes ». Comment ça fonctionne? On les prépare, on les met au four, puis quand on sent qu'ils brûlent, on dit « Ça n'a pas d'importance; nous allons tous mourir un jour ». Et c'est parce que son frère lisait La Métamorphose qu'il avait eu cette idée.

Et voilà. Enfin, nous voyons la connexion {j'ai un ami qui appelle ce processus « le retour à la colonne », c'est-à-dire, la colonne qui représente une conversation complète, les parties de laquelle se suivent logiquement}. Dans ce cas, c'est un peu tiré par les cheveux, mais c'était le seul exemple assez court dont je pouvais penser, et je ne veux pas vous faire lire des longues histoires qui n'ont vraiment rien à voir avec cette entrée.

De toute façon, un autre aspect de cet album que j'aime bien l'usage de peinture pour aquarelle. Les dessins sont comme des croquis, parce que Sfar s'occupe plutôt de l'histoire, et quelquefois il ajoute de la peinture à l'arrière-plan ou même pour représenter un objet. Sur la planche 9, il se dessine en chien, assis à son bureau sur lequel il y a une lampe. Dans la prochaine case, la lampe n'est pas dessiné, mais on voit ce qui serait à l'intérieur du contour s'il y en avait. C'est-à-dire que Sfar y peint une lampe sans détail avec sa peinture pour aquarelle, et nous comprenons que c'est le même objet que dans la case précédente. Ce style un peu insouciant en combinaison avec le croquis donne l'effet d'un carnet {et c'est comme ça qu'on l'appelle}; c'est une sorte de journal privé de Sfar auquel nous avons le droit, au lieu d'une biographie bien composée où il essaie de montrer les traits les plus agréables de son caractère et de cacher les autres. Il ajoute, au lieu, des représentations de ses pensées, comme le petit diable sur la planche 27 qui dit « Non! Encore des anecdotes! », ou les flèches qui indiquent ses opinions vis-à-vis quelque chose dans le dessin.

Enfin, il y a un élément que j'ai trouvé très intéressant sur la planche 25. Sa femme lui dit « toi aussi, tu mens, dans tes livres ». Bien que ce soit une anecdote, les auteurs ajoutent des commentaires ou des indices comme ça à leurs œuvres pour nous faire réfléchir un peu: qu'est-ce qui est vrai et qu'est-ce qui est faux, ici? Dans son livre The Things They Carried, Tim O'Brien raconte plusieurs histoires de son expérience pendant la guerre en Viêt Nam. Puis, après quelque temps, il révèle qu'il y a des parties de son histoire qui ne sont pas vraies. Mais lesquelles? Il ne nous en dit rien. Ce style s'appelle la métafiction, et je me demande si Sfar s'en sert ici.



Bon, il y a beaucoup dont je pourrais parler dans ces deux BDs, mais ce pourrait bien faire des livres entiers, alors je m'arrête ici, parce que sinon je parlerais sans cesse. Hélas ! pauvre blog ! Je l'ai connu Loretio :)

mercredi 3 décembre 2008

Charlie Hebdo

Ce hebdomadaire me fait penser du journal américain qui s'appelle "Funny Times". Je ne sais pas trop le niveau de popularité de Charlie Hebdo, mais aux États-Unis, je crois que Funny Times n'est pas très connu, peut-être à cause du fait qu'il est très, très à gauche et très polémique. Ce qui est assez étrange, d'ailleurs, est que la satire politique n'est pas un tabou aux États-Unis, même si on ne l'a pas encore tout à fait accepté dans la presse. Apparemment, la plupart des Américains entre l'âge de 18 ans et 29 ans obtient les infos des émissions politiques et satiriques comme The Daily Show with Jon Stewart et The Colbert Report:



Charlie Hebdo lui-même est composé d'articles critiques des événements actuels, soit-ils sociaux, politiques, économiques, ou autre. Surtout, dans cette édition, on se moque de:
- les élections du PS
- les situations avec les SDF récemment morts de froid
- la politique américaine
- Sarkozy {pourquoi pas? c'est le président - ce ne serait pas un journal satirique sans qu'on se moque de l'administration actuelle}
- la réforme de l'enseignement

Ce que je trouve assez bizarre est le fait que ce journal est à gauche, mais pas pour le PS. Ils vont même plus loin, jusqu'à avoir leur propre opinion sur tout ce qui se passe, et à mettre en question tout ce que font les partis politiques. En fin de compte, je crois que c'est une bonne idée parce que ça pousse les gens à penser pour eux-mêmes {fin, j'espère}. Ils montrent l'extrême des événements actuels pour nous mettre hors la situation pour que nous réfléchissions un peu. Cette sorte d'action me fait penser un peu au vieux film The Wave qu'on a refait récemment en Allemagne. Voici le début, regardez les trois premières minutes {je suis vraiment désolée pour toute la mièvrerie}:



Après ça, le professeur décide d'expérimenter. Il organise les étudiants, peu à peu, en un club exclusif qui s'appelle "The Wave". Ils deviennent de plus en plus stricte à propos leur statut élevé, et enfin presque tout l'école s'y est inscrite. Ensuite...



Bon, c'est un peu hors le sujet, mais je trouve qu'il est important de montrer les différentes facettes d'un argument ou d'une situation pour les comprendre suffisamment, et les sources d'infos politiques aujourd'hui comme Charlie Hebdo, si on prend leur parole avec des pincettes, peuvent nous donner cette sorte de perspective.

mardi 25 novembre 2008

Doutes des gauches

Garduno, en temps de paix, de Philippe Squarzoni

La désobéissance sociale - un thème très commun entre les jeunes d'aujourd'hui. Après avoir lu un peu de cette BD, j'ai pensé tout d'un coup au film Fight Club:



Cette scène exprime quelques sentiments dont parle le personnage principal de Garduno, en temps de paix - l'idée que nous suivons la société, se laissant aller comme des obéissants. Plus tard dans le film, on commence des mouvements pour changer le monde; ayant assemblé un groupe de gens qui l'écoutent, le personnage de Brad Pitt contrôle une véritable armée de la désobéissance sociale. Un film très populaire parmi les jeunes.

Il y a aussi le rappeur Immortal Technique, qui est aussi énormément polémique; regardez ce vidéo, qui est accompagné sur YouTube par le commentaire « Viva la revolucion! » Il y a aussi les intervalles où on montre des nouvelles pour choquer tout le monde.



Les paroles sont incroyables; voici une version qui les montre pendant qu'on écoute la chanson.

Ce n'est pas que je condamne cette sorte de manifestation; je trouve que Immortal Technique est très intelligent, la chanson est bien composée et informative, et c'est difficile de faire faire attention aux gens, aujourd'hui, sans les choquer. Mais même ce genre de truc devient un peu fatigant après quelque temps, parce que je sais qu'il y a tellement de gens qui l'écoutent, qui le comprennent, qui sont émus, et puis qui retournent à leurs canapés. Même moi, je suis coupable - comme étudiante, je me dis que je n'ai pas le temps de faire quelque chose de signifiant et que j'ignore trop pour faire quelque chose d'aussi extrême. Et à quel moment devient-elle une manifestation comme ça trop extrême? Dans Fight Club, Tyler Durden crée une sorte d'enceinte de gens qui l'écoutent - alors comment ça ne serait-il pas l'obéissance? Et en plus, son dernier but est de sauter les QG des entreprises qui contiennent les dossiers pour toutes les cartes de crédit, pour mettre tout le monde au même niveau. Je trouve ça un peu extrême.

On parle des régimes comme celui de Adolf Hitler, contre lesquels il faut se battre au lieu d'écouter et de se laisser aller. Mais il est bien difficile d'avoir cette sorte de perspective quand les évènements d'aujourd'hui sont exactement ça: ils se passent aujourd'hui. Les infos nous livrent leurs opinions sur ce qui arrive dans le monde chaque jour, mais ce n'est pas tout à fait comme des livres scolaires d'histoire qui, traitent-ils subjectivement les évènements de l'histoire ou pas, ont tendance à être d'accord sur le gouvernement de Hitler: c'était mal, il faisait des atrocités, etc. Mais aujourd'hui, quand on entend de Fox News {connu pour être très droite} que tout va bien avec le gouvernement américain, et de la culture populaire comme Immortal Technique qu'il y a beaucoup que cache le gouvernement, qui est-ce qu'on croit? On dit toujours que des amateurs ont construit l'arche de Noé, et que des professionnels ont construit le Titanic.

De toute façon, cette BD est comme un roman qui exprime les sentiments de désobéissance sociale, des mouvements anti-mondialistes auxquels on veut exposer le monde. Squarzoni utilise des techniques polémiques, lui aussi, pour nous saisir l'attention; ses mots sont importants, mais il les complète avec des images pour insister sur ses buts. Par exemple, il y a la carte postale imaginaire pleine d'images des camps de concentration. Plus tard, il parle du gouvernement qui cache quelque chose, et il montre un caméléon, comme si le gouvernement se cachait de nous exprès. Il y a aussi l'image du navire des explorateurs avec, à l'arrière-plan et très peu visible, une photo granuleuse de McDo, un grand signe du mondialisation, ce qui montre la connexion entre les deux pour nous faire nous mettre en colère contre l'histoire.

Cette BD est aussi très artistique pour se faire prendre au sérieux. Au certains moments, elle ressemble à un film - il y a plusieurs sortes de plans {gros, d'ensemble, américain, etc.} du personnage principal. Le découpage aussi est important; pour ainsi dire, il y a une certaine beauté dans l'organisation des images. Enfin, il y a le jeu de mots très intéressant et répété des premières planches entre « occupé » et « libre », ce qui est aussi un peu polémique, nous rappelant des camps de concentration, la France pendant la Seconde Guerre mondiale, etc.

Je ne me moque pas de cette BD, mais comme j'ai dit, l'utilisation de la controverse pour livrer un message politique est un peu cliché aujourd'hui. C'est dommage, parce qu'il semble donc que le monde se trempe de plus en plus dans l'apathie. Et pour conclure avec un peu d'amusement, je vous montre une blague géniale sur ce cliché. J'adore Taylor Mali.

! Il faut vous signaler: j'ai oublié de faire mention du titre, et c'est là ou se trouve la blague. Ce poème s'appelle « How to Write a Political Poem » {« Comment écrire un poème politique »}.




La vie secrète des jeunes, de Riad Sattouf

On a examiné quelques planches de cette BD pendant le cours.

La première planche que nous avons vue s'agit d'un fondamentaliste qui essaie de convertir un SDF à l'Islam. D'après son habit, c'est un Musulman {le chapeau, la « jupe »} et c'est un habitant de la banlieue {les baskets Nike et le sweat Adidas qu'on achète pour ne pas faire « pauvre », mais ce phénomène se passe si souvent que ce n'est que les pauvres qui les portent, d'habitude}. Il parle au SDF pour le convertir, puisqu'il est évidemment très pauvre et donc a besoin de la spiritualité, mais le SDF veut qu'on le laisse tranquille {ce qui n'est pas déraisonnable}, et il fait peur au Musulman. Alors, bien que le Musulman soit pauvre aussi, il a peur des SDF comme la bourgeoisie. Voici un peu d'ironie; le Musulman emploie des mots comme « cousin » qu'on utilise entre les Musulmans et dans la banlieue pour évoquer un rapport, mais il ne réussit pas, à la fin, car il ne peut pas comprendre le SDF et car il n'est pas, en fait, comme lui.

Après, il y avait le racisme de la police française contre le « reunoi » dans le métro. Bien qu'il n'ait pas l'air d'un type dangereux, les gendarmes le harcèlent à cause de la couleur de sa peau. Il n'y a pas beaucoup d'autre à dire à ce sujet, parce qu'on sait que cette sorte de discrimination se trouve partout. Mais comme j'aime le film, je vais vous diriger vers un clip vidéo du film Crash qui parle du racisme, si ça vous intéresse.

La prochaine se moque de la bourgeoisie et leur capacité de ne pas voir les gens moins riches qu'eux. Le jeune garçon est blond et bronzé - des signes de richesse - et Sattouf fait mention de Jean-Jacques Annoud



et de Élie Chouraqui



pour décrire la coiffure du garçon, mais en même temps il s'en moque davantage parce que ces deux allusions se réfèrent aux gens qui se prétendent intellectuels mais qui sont en fait bêtes.

Il y a quelques jours, je suis allée au Musée Picasso dans le Marais, et là j'ai eu une expérience similaire {mais, heureusement, sans le caca}; chaque habitant du quartier que j'ai passé ne me regardaient pas du tout, comme si je n'existais pas.

Bon, alors dans l'ensemble Sattouf se moque des gens des différentes classes sociales, les fondamentalistes, et la discrimination en générale qu'il voit chaque semaine dans les rues de Paris. Cette idée de la « vie secrète », je suppose, est censée être ironique; si ce qu'il voit en public est la vie secrète, ils sont comment chez eux? Ça me fait penser à une expression très fréquente chez les professeurs de l'école primaire aux É-U; quand un enfant se tient mal, on lui dit « Est-ce que tu ferais ça chez toi/devant ta mère? » Cette phrase veut dire que les enfants ont tendance à s'inquiéter des opinions de leurs parents, mais pas celles de leurs professeurs. Mais plus tard dans la vie, on peut faire n'importe quoi chez soi, et c'est dans le public qu'il faut bien se comporter. Alors...si les jeunes, dans leur vie secrète qui se passe dans la rue, se comportent aussi mal en public, comment font-ils chez eux? En générale, il me semble que Sattouf n'est pas content avec notre monde, tout comme Squarzoni et son personnage principal.

mercredi 19 novembre 2008

On vit une époque formidable

Le style de Reiser dans cette BD n'est pas du tout joli...d'ailleurs, l'humour ne l'est pas non plus, évidemment. Ces deux aspects laids se jouent l'un sur l'autre, un truc qu'utilisent certains autres artistes, comme les dessinateurs de Ren & Stimpy:



Moi, je trouve ce style de dessiner très moche, mais tout ce dont on parle est évidemment pas très joli non plus - presque tout est basé sur l'humour scatologique. Ce n'est pas peut-être un commentaire sur la nature humaine comme celui de Reiser, mais ça fonctionne d'une manière un peu similaire.

Cette idée {mélanger un style laid avec des thèmes laids} se trouve aussi dans la littérature, comme chez Rabelais, dans son œuvre Gargantua. Surtout, Rabelais a voulu prouver qu'on peut enrichir la langue sans qu'on crée exclusivement des mots qui décrivent les objets et les processus plaisants. Afin d'avoir un milieu pour inventer des mots comme ça, Rabelais a écrit une histoire dégoûtante sur un géant-bébé, et bien que cette œuvre ne s'agisse pas d'un humain, l'histoire révèle un peu la nature humaine - il n'y a pas que les choses belles dans notre monde et parmi notre espèce. C'est un peu l'idée de Reiser avec ce genre de dessin; les humains ne sont pas tous beaux ni séduisants, à l'extérieur comme à l'intérieur.

Il me semble, dans l'ensemble, que cette BD s'agit de la satire sociale qui joue sur les stéréotypes, et bien que ce soit faite en 1982, ces clichés-là sont encore vrais. Par exemple, chez la famille qui fête le 31 décembre et qui prend soudain l'attitude que « rien n'est certain, alors faisons n'importe quoi », ils se révèlent tous humains et prêts à jeter les règles sociales, mais entre eux et non dans la vue du public. Cette idée de la vie publique contre la vie privée est toujours un thème dans la satire sociale, parce que la sexualité, par exemple, est encore tabou, surtout celle des vieux comme nous avons dit.

En générale, Reiser nous montre ce que nous ne voulons pas voir, comme la sexualité des vieux, les conflits entre les classes sociales {avec les pauvres qui imitent les riches}, les aspects de l'église corrompus, l'ignorance des gens autour des ennuis des autres. Cette partie en particulier me fait penser au phénomène qui s'appelle l'effet du témoin. En bref, on ne fait pas attention aux choses horribles qui se passent quand il y a plusieurs autres personnes à proximité; on ne prend pas la responsabilité d'aider les autres. Reiser se moque des gens qui ignorent quelque chose qui « n'est pas leur affaire » en montrant le couple qui ne dit rien pour éviter des « histoires avec les automobilistes », etc. et qui continue ce genre d'ignorance jusqu'au point où on viole la femme et le mari ne dit rien. Comme avec toutes les blagues de cette BD, Reiser mène les concepts à l'extrême pour qu'on voie à quel point ils sont ridicules.

Enfin, pour le style, le dessin a l'air inachevé, mais ça sert à autre chose aussi. À cause du croquis qu'emploie Reiser, les traits prennent quelquefois plusieurs significations. Par exemple, sur la planche 36 on voit une ligne à côté du train qui sert à la fois d'une frontière entre l'espace du narrateur qui raconte l'histoire avec le couple qui se rencontre, et d'une ligne sur la route qui suit le motif des autres lignes qui la précèdent. Ou bien, comme on a remarqué pendant la classe, les traits à côté de la taille d'un personnage peuvent représenter également le mouvement aussi bien que les fesses. Cette ambiguïté est un peu, encore une fois, comme les dessins qu'on peut voir en tant qu'image différente si on les met à l'envers.
Ça me fait penser aussi à l'œuvre de Bev Doolittle, qui s'intéresse à la culture indigène de l'Amérique ainsi que de l'illusion. Par exemple...

Voici l'une de mes préférées. Cherchez l'image cachée.

Si vous voulez en regarder plus, allez ici.

lundi 17 novembre 2008

Astérix en Corse, L'enquête corse

J'ai voulu commencer avec une liste des stéréotypes français sur les Corses, mais, en fin de compte, les Français qui mettent leurs sites sur Google sont beaucoup trop politiquement corrects, alors il faut deviner un peu pendant la lecture. Ce que je sais déjà {pour les stéréotypes}:
- Les familles sont très proches, un peu comme le mafia, à cause de l'influence italienne
- Ils détestent les Français et ne se considèrent pas français

- Ils sont beaucoup trop fiers
- Il y a beaucoup de criminels, à cause des maquis où l'on peut se cacher
- Il y a des « terroristes » corses qui veulent que l'île soit séparée de la France
- Ils parlent avec un accent très italien, mais ils ne se considèrent pas du tout italiens non plus

Astérix en Corse


D'abord, j'aime le plan avec les noms qui sont des jeux de mots, un truc particulier à Goscinny et les scénarios d'Astérix {surtout avec les noms des Gaulois, comme Obélix et Acidcloridrix}. Il y a même un jeu de mots sur l'anglais, comme "Ouelcum" pour "Welcome".

Voici, sur la première planche de l'histoire, le jeu de perspective qu'on a vu pendant la classe, avec les enfants qui sont supposés être adultes. Pendant la dispute qu'ont les enfants après leur jeu, l'un d'entre eux insulte le père d'un autre, et puis plus tard les parents s'engueulent de la même façon.

L'organisation des cases est très rhétorique, comme on voit sur la planche 6 avec les femmes qui mettent la table {ah, les stéréotypes}. Le décor est simple - quelquefois il n'y en a pas - et les couleurs sont vives. Les traits des personnages sont très exagérés pour l'humour {on pourrait dire la BD du 'gros nez'}, et le scénario se trouve dans les bulles; surtout, le style est assez traditionnel, mais il est facile de dire cela, comme Astérix est une des BDs franco-belges les plus connues, alors le standard est peut-être basé là-dessus.

L'humour physique est un élément commun, comme le moment où le leader ordonne aux hommes qui le portent sur un bouclier de le regarder, alors ils tournent le bouclier et il tombe par terre {et enfin, il y a l'ironie - ils ne voient pas ce qu'il a voulu leur montrer}.

Les Romains, eux, ont des traits stéréotypiques, surtout les grands nez "romains".

La réponse des habitants du camp quand demande est un simple geste très familier, parce qu'on joue souvent sur les relations entre les personnages qui sont censés être cérémonieux entre eux.

Les noms m'amuseront pour toujours - "Petitsuix" {petits suisses, évidemment}, et sa femme ont des traits stéréotypiquement suisses, et ils apportent du fromage. Il y a aussi Plaintcontrix, Idéfix {sur lequel on fait une blague de plus, quand Obélix dit « Maintenant que j'ai trouvé mon Idéfix, Je n'ai plus de raisons de m'attarder »}, Relax, etc...Malheureusement, je ne peux pas saisir le sens de tous les noms, puisque je ne suis pas française, mais je suppose qu'ils sont tous très marrants. En plus, on se moque de l'accent de d'Auvergne avec Alambix, ce que je trouverais plus drôle si je l'avais jamais entendu.

Il y a aussi une blague dans le contraste des idées des Romains {voir le geste que font les centurions sur la planche 8} sur les Gaulois avec les Gaulois eux-mêmes, joyeux et blagueurs. Quand même, les Gaulois boivent de leur potion magique et vont se battre contre les Romains.

Il est bien triste que Goscinny est mort il y a aussi longtemps, parce qu'il était un véritable génie avec les mots. Il joue et avec les noms, et avec les accents dans le scénario, comme la conversation sur la planche 11 entre Alambix l'Arverne et un autre {quelqu'un du sud de la France, je suppose, parce qu'il dit "bieng" au lieu de "bien"}. En plus, il y a le nom du Corse - Ocaterinetabellatchithix, que nous avons discuté pendant la classe. Goscinny insiste sur cette blague avec la ligne "Le nom de cet homme m'inspire. Je vais écrire un chant".

Bon, bref, il y a beaucoup dont je pourrais parler, mais je vais plutôt trouver les stéréotypes corses qui s'y trouvent.

- Ocat. {afin de ne pas devoir l'écrire en tout} est très maigre, aux cheveux noirs et au nez grand et romain
- planche 15 - il parle de sa sieste tout importante {les Corses prennent des siestes chaque jour et ils sont donc paresseux}
- Il dit que son pays est « le plus beau du monde » {la fierté et l'identité/nationalisme corses}
- planche 17 - il fatigue après avoir porté Idéfix, le chien tout petit, pendant une courte promenade {paresseux}
- les deux Corses se saluent en disant « je suis fou de joie » mais sans expression {les Corses sont secs}
- planche 18 - le saucisson qu'on pourrait presque entendre braire - ils mangent de l'âne!
- l'influence italienne qui crée un dialecte particulier - il dit « la mare » au lieu de « la mer »
- planche 20 - le fromage putride de la Corse
- planche 25 - les vieux qui s'assoient dehors
- ils n'aiment pas les étrangers - ils parlent d'Idéfix qui est trop petit et qui ne dort pas assez {paresseux}
- l'élection - ils sont corrompus et ils ont des coutumes bizarres
- les vieilles dames toujours habillées en noir
- planche 26 - les vendettas entre les familles pour les raisons quelconques, qu'on ne connaît plus
- planche 29 - on utilise une "machine" comme celles de Rube Goldberg pour prévenir les autres Corses - les Corses ont leurs propres codes que personne ne comprend sauf eux

Bon, je pense que ça suffit; il y a plusieurs autres exemples, mais je pense que vous voyez. Si vous voulez en savoir plus, je viens de trouver un site formidable qui en énumère de plus.

L'enquête corse

Avant de venir en France cet automne, j'ai dépensé quelque temps en Suisse, où j'ai vu le film de cette BD, avec Christian Clavier et Jean Reno. C'était très marrant, et c'est de là que j'ai trouvé la plupart des stéréotypes des Corses que je connais {les autres viennent du film Un long dimanche de fiançailles


vers 2:15

et de l'histoire courte Mateo Falcone de Prosper Mérimée}.

Le style de cette BD n'est pas très sophistiqué, et ressemble aux aquarelles {je suppose que c'était le méthode de mettre la couleur aux dessins}.

En fait {je n'ai pas pu en trouver un exemple, malheureusement}, quand j'étais petite, il y avait des livres de coloriage qui avaient déjà les couleurs là-dessus, mais elles étaient sèches, alors on ajoutait de l'eau avec un pinceau qu'on avait mouillé. C'est plutôt à ça que me fait penser le dessin de Pétillon dans cet album {je sais que ce n'est peut-être pas gentil, mais c'est la vérité}.

Alors, je vais énumérer quelques stéréotypes présents dans cette BD:
- 7 - les terroristes corses ont laissé leurs masques noirs sur la corde à linge
- la femme dit que sa famille n'est pas là depuis longtemps, alors que c'est depuis 5 générations - toutes les familles corses restent en Corse à cause du lien fort de la famille
- 8 - les Corses ne sont pas accueillants {l'homme qui ferme la fenêtre, tout le monde arrête de parler lorsque le personnage principal entre}
- 11 - tout le monde connaît les affaires de tout le monde {le terroriste et l'homme au journal qui se saluent}
- 12 - les groupes de terroristes qui ne peuvent pas travailler ensemble, alors ils s'embêtent l'un l'autre
- 21 - tout le monde est lié d'une manière ou d'une autre, et les vendettas sont entre les familles
- 23 - c'est un détail tout petit, mais il y a un livre qui traite de Tino Rossi sur la table du couple français
- 28 - la fierté corse chez Figoli, qui dit qu'il grimpe où il veut, bien qu'il ne puisse descendre de l'arbre sans aide
- 29 - la paresse des Corses - on dit que si le mort ne s'était pas rendu au bureau, il n'aurait pas été tué, puis "ça fait réfléchir" - c'est-à-dire que le travail a encore moins d'attirant qu'avant {quand personne ne voulait travailler quand même, puisqu'ils sont des Corses}
J'aime aussi le jeu de mots sur son "costume" qui se révèle être le costume de terroriste
- 30 - tout le monde adore Napoléon, puisqu'il est un Corse célèbre, alors presque toutes les rues s'appellent « Napoléon » machin.

...et cetera. Les Français, évidemment, adorent se moquer des Corses :)

mercredi 12 novembre 2008

Kitaro de Mizuki - étude de publication

Une BD très intéressante; j'avais noté des questions pour Jean-Louis après l'avoir lu:

- Comment choisissez-vous les albums que vous voulez traduire?
Il a essentiellement répondu à cette question, bien que je ne l'aie pas posée à cause de ma jolie voix. Il doit connecter toutes les BDs qu'il publie dans les collections, mais il essaie de publier aussi toutes celles auxquelles il veut exposer le monde francophone.

- Qu'est-ce que vous faites pour obtenir les droits ou la permission de publier une BD que vous avez traduite?
Il y a plusieurs méthodes, car certaines BDs que publie Cornélius sont l'œuvre des auteurs décédés, ou des œuvres qui ne sont plus publiées, alors il doit acheter des planches des collectionneurs ou bien des maisons originelles de publication.
De toute façon, je dois trouver un méthode d'en savoir plus, si je veux faire publier Esthétique et Filatures aux USA.

- Il y a des lettres japonaises qui ne sont pas toujours traduites dans les dessins - pourquoi?
Je n'avais pas l'occasion de poser cette question, parce que je n'avais pas de voix, mais j'imagine que les lettres y restent pour leur valeur esthétique et qu'elles ne sont pas traduites parce que le sens vient des dessins. On imagine, par exemple, qu'un groupe de lettres à côté de quelque chose qui tombe représente le son qui vient de ce mouvement.

mercredi 5 novembre 2008

Rubrique-à-brac

Ah, cette BD commence avec une bonne dose d'ironie et critique politique - je l'aime déjà. J'aime aussi le couverture qui imite l'image d'Alex du film "A Clockwork Orange".

Le style est simple mais attrayant; les couleurs sont vives, et il n'y a pas beaucoup de décor mais on imagine un monde comme dit Lisa Mandel, et on le remplace avec des couleurs qui soulignent les personnages au lieu de diviser l'attention du lecteur.

Dans la première petite histoire, la blague se trouve dans le fait que la police, qui se comporte très -sérieusement est un peu stupide - ils cherchent un extra-terrestre et en interroge un sans le savoir directement, bien qu'il ait trois yeux et quatre bras. Quand ils l'arrêtent, la raison qu'ils donnent pour cette action est qu'il a serré la main du chef de la police, et que seul un extra-terrestre peut faire ça. En plus, les punitions pour les flics est de surveiller un endroit comme un magasin.

Dans l'ensemble, Rubrique-à-brac est comme l'œuvre de l'OuBaPo; il y a des séquences et des jeux différents qui se suivent, et des caricatures des personnes et des choses connues, comme Dalí, les spécialistes du cinéma, l'enseignement, et des fables de LaFontaine, par exemple. Il joue aussi sur le mélodrame avec "Croyez-en ma vielle expérience", se moquant des bédéastes en générale en montrant l'un qui est prétentieux {évidemment un peu de l'auto-dérision - il y a une grande ressemblance} et les autres qui sont idiots ou autrement caractérisés. Il ajoute aussi des éléments bizarres mais marrants, comme la coccinelle qui regarde avec un télescope la BD et fait des commentaires là-dessus, bien qu'elle existe dans la BD elle-même et même dans les cases.

Surtout, Gotlib s'occupe de l'humour; il aime beaucoup faire des jeux de mots comme avec les accents allemands {par exemple, "auzzi" et "tites tonc" - ce dernier est peut-être aussi un jeu de mot sur un mot vulgaire en anglais qui désignerait les seins de l'Allemande qui se trouve à côté de la rivière} et l'allitération ridicule dans la partie avec le cinéphile. Il se moque aussi souvent de soi; dans l'histoire sur Beethoven, il dit "Il n'y pas un poil de vent. Ses cheveux et ses vêtements ne volent que pour accentuer le côté outrageusement romantique de ce dessin". Cette post-modernité me rappelle encore du film fameux "George of the Jungle" que j'ai cité dans un autre message.

Afin de ne pas vous ennuyer et de ne pas comment sur tout, je vais m'arrêter là.

Groensteen 44-45

Bande dessinée et littérature

Tout ce chapitre consiste essentiellement en l'insistance de Thierry Groensteen que la BD n'est pas une forme de littérature; voici l'idée qu'on discute dans l'ensemble de ce cours.

Il y met quelques exemples de la BD adaptée de romans, comme:

les œuvres de René Giffey

celles de Dino Battaglia:

et Cité de Verre de Mazzucchelli.
Le problème, à mon avis, c'est qu'il faut définir la littérature avant qu'on n'essaie pas de donner cette stature à une forme d'art. Si on dit qu'une pièce peut être considérée comme la littérature, alors que ça se sert des images aussi bien que les mots, pourquoi pas la bande dessinée? Je pense que les arguments en ce qui concerne ce sujet peuvent tourbillonner infiniment à cause de ces problèmes de dénotation.

Des moments comme celui-ci, je me demande si je devrais prendre des cours de philosophie, mais je pense que mon cerveau ne marche pas aussi bien pour penser tout le temps comme il le faut.

mercredi 29 octobre 2008

OuBaPo Opus #2

Avant de commencer à lire cette œuvre, un petit peu d'information...Ça me fait penser un peu au livre Exercices de Style de Queneau {et évidemment, c'est lui qui a commencé le projet sur lequel celui-ci est basé}.

Même la page de titre est un exercice!

Comme il y a beaucoup d'exercices dans cette œuvre, je vais commenter sur quelques uns et non tous.

1ère Partie: Contraintes Génératrices: Applications

Dans la première petite BD, Midi/Minuit, François Ayroles montre les cases deux par deux, l'un qui montre une scène à midi, l'autre qui montre le même endroit à minuit, quelquefois avec des personnages différents, quelquefois avec les mêmes personnages. Il change aussi une petite chose; par exemple, dans le deuxième strip, le patron du café se trouve dans la case, puis il n'est pas dans la case mais dans le hors-champ. J'aime le troisième strip parce qu'il montre les différents points de vue des deux personnages qui se passent, et nous voyons que chacun pense la même chose à propos l'autre. Nous suivons alors les mêmes personnages et ce qui se passe dans leur vie à la fois, certains à midi, certains à minuit. Leur vie se croise, et on nous donne donc beaucoup de personnages qui ne sauront jamais leurs rapports, un peu comme le film "Crash" ou "Love Actually". Bien que nous sachons ça, Ayroles nous met quelques indices aussi, comme les émissions de la radio qu'on écoute au café sur la première planche et chez le type qui fait les cent pas sur la troisième.

Oh là, les planches de la BD pluri-lecturables me donne un petit mal à la tête...Elles fonctionnent sur l'ambiguïté, évidemment. Il ne me surprend pas du tout que Lewis Trondheim aime pratiquer cette sorte de sadisme, mais j'aime la case dans laquelle le petit cochon {je pense?} parle de son « stature » en se trouvant à côté d'une salière qui est plus grande que lui, une échelle qui nous montre qu'il est, en fait, petit. Et à la fin de la BD d'Étienne Lécroart, l'affaire est littéralement bouclée, car les cases répètent, créant une sorte de boucle.

La consécution aléatoire d'Ayroles est même pire que les planches pluri-lecturables!

Malheureusement, c'est bien difficile de lire les BDs qu'il faut plier ou tourner sur l'ordinateur. HA - tu as peur que je t'encule...nom de dieu. Le changement de sens est...ben, vraiment un changement. L'ambiguïté et les allusions grivoises sont bien utiles...








La BD aveugle emploie le hors-champ et la direction d'où viennent les bulles pour nous montrer un dialogue entre quatre personnages. De plus, le blasphème est très marrant et j'aime le jeu de philosophie où Dieu met en doute l'existence de l'homme.

2ème partie: Contraintes Transformatrices: Applications



Dans un sens, ce premier exercice s'agit des cases productives; on garde l'organisation des cases et l'histoire suit. C'est intéressant de voir les différents strips d'indications; j'aime beaucoup celui qui parle du terrorisme.




La combinaison de personnages dans Little Nemo in Schuiten&PeetersLand est un peu comme l'apparence de la fée bleue ou Batman dans Monsieur Ferraille. C'est un très bon exercice de faire se rencontrer deux personnages d'oeuvres différentes, l'un avec l'autre; nous faisons ça quelquefois dans le théâtre afin de nous préparer pour la répétition d'une pièce, mais d'habitude c'est l'improvisation, et je pense que cette BD emprunte les mots originaux des personnages, parce que leurs intéractions sont un peu maladroites.




Pour Ma vacance d'OuBaPo d'Anne Baraou, c'est presque post-moderne de faire un exercice sur l'oeuvre de ses collègues de l'OuBaPo. De plus, elle parle de l'OuBaPo et d'adapter son scénario à n'importe quel oubapien. Certaines cases ont des liens curieux avec le scénario, comme celle dans laquelle elle parle d'être "hors jeu" - on utilise l'espace négative pour montrer que le personnage est figurativement coupé de la scène. Et j'adore celle où elle répète les mots de la case à propos les moustiques.




Un film très post-moderne et sous-estimé...



Sur la planche 42, on joue avec le fait que personne ne sait le vrai "origine" de la BD, et utilise un peu d'auto-référentialité en faisant un "zoom out" sur Spirou.

La BD des planches 43 à 50 se moque de la BD mal dessinée et les stéréotypes, par exemple avec "Tu ne supportes pas de représenter le cliché du couple où la femme sert et l'homme lit le journal". Il y avait aussi le petit moment avec le téléphone qui sonnait "après" qu'on l'a annoncé dans la même case, jouant sur l'idée de l'ordre dans une case et comment on la lit.


Voici l'originel Sudor Sudaca, sur lequel est basé le prochain exercice où on essaie de changer le style aussitôt que possible. On l'a vraiment changé, comme nous pouvons voir; la profondeur a nottamment disparu, par exemple.



Je pense que j'ai commenté sur l'essentiel; le reste de cette BD est encore plus d'exercices.

mardi 21 octobre 2008

Lisa Mandel

Nini Patalo

Comme vous avez dit afin de vous moquer de ceux qui ont essayé d'écrire l'opinion que vous voulez lire, je dis « C'était un truc formidable! », mais cette fois c'est vrai. J'ai éclaté de rire en le lisant, et ça m'a surprise puisque c'est une BD pour les enfants.

Mais ce n'est pas tout à fait pour les enfants. Il y a beaucoup pour faire rire aux enfants, comme les intrigues, les petites aventures de Nini, des images et l'idée d'un canard en peluche qui parle, ou des mini-pingouins qui nettoient le frigo. Il y a les phrases qu'entendent les enfants de leurs propres parents, comme « Tu regardes un peu trop la télévision », et « Enfin, Nini! ». Les épisodes sont courts, pour que les enfants comprennent sans devoir se souvenir d'un grand intrigue. Et ils sont sûrement amusés en imaginant un monde sans parents, où ils ne doivent écouter personne. Surtout, le humour est basé sur tout ce dont on ne s'attend pas, comme un homme des cavernes qui s'appelle Jean-Pierre, et ce technique souvent suivi pour créer la comédie plaît aux enfants...mais ce n'est pas eux qui peuvent apprécier une grande partie de l'humour.

Comme avec les Muppets, il y a beaucoup de blagues pour les adultes dont les enfants ne s'aperçoivent pas.



Voici un sketch assez drôle avec Julie Andrews...qui est rendu beaucoup plus drôle pour les adultes par le fait qu'Andrews se moque de son propre rôle dans le film "The Sound of Music".

Dans Nini Patalo, il y a plusieurs blagues qui fonctionnent comme ça. Par exemple:
- l'ironie que Jean-Pierre devient une sorte de père pour Nini, lui disant des choses comme « fabriquer un dard avec un aiguille à tricoter? Qu'est-ce qui t'a prise? »
- le « running gag » de l'histoire du W.C. qui se moque des films d'horreur typiques et qui manifestent les points de vue différents des personnages d'eux-même et des autres
- la « grève générale » des pingouins qui se moque, bien sûr, de la main-d'œuvre française
- le feuilleton que regardent les pingouins dans le frigo
etc.

À propos le style de dessin, le trait est assez simple et clair et les couleurs vives, avec un petit peu d'ombre, donc, les images sont toujours faciles à suivre.

Et tout finit avec la conclusion de l'histoire du W.C., un peu comme un numéro d'un comique qui se termine avec une référence à une blague qu'on a fait tout à l'heure.

Pour les questions, je voudrais demander à Lisa Mandel ce qui sont ses inspirations {à part celle d'André, parce qu'elle a écrit que c'est son frère}. Est-ce que Nini ressemble à la petite Lisa Mandel? Ou est-ce que Lisa rêvait d'être comme ça? D'où vient les idées en général pour cette BD?


Esthétique et filatures

Encore, j'adore cette BD. Je pense à l'acheter comme cadeau pour quelqu'un de chez moi, mais je n'arrive pas à penser à quelqu'un qui les aimerait ET qui comprend le français...donc, je devrai les acheter pour moi. Dommage :P

Les couleurs noir et blanc va très bien avec l'idée d'une BD « policier » comme vous avez dit. Le noir s'emploie pour les ombres et la profondeur, et le trait est assez clair et épais avec quelques hachures. Les personnages ne sont pas idéalisés - ils ressemblent aux vrais humains, et donc ils ne sont pas toujours jolis, un style très réaliste. Les cases sont moitié conventionnelles et moitié rhétoriques; par exemple, il y a parfois des très grandes cases qui prennent une planche ou deux pour montrer les scènes très importantes où nous voyons les rapports entre les personnages - je trouve que cette BD s'occupe beaucoup de la caractérisation des personnages, aussi important que soit l'intrigue. Les grandes cases sont comme des tableaux, d'où nous pouvons tirer une histoire toute entière et sur lesquelles nous nous arrêtons pour les examiner, pendant autant de temps qu'il prendrait pour lire une planche avec six cases ou plus. Le décor contient assez de détails pour être vraisemblable, mais pas trop, afin de ne pas nous distraire de l'action. Il y même moins de détails pour les plans d'ensemble dans les cases de taille relativement petite. Il nous donne quand même un contexte, comme les affiches de rock dans la chambre de Marie, ou l'ampoule suspendu du plafond dans l'immeuble du ex-copain d'Adrienne. On utilise aussi beaucoup de suspense avant qu'on ne tourne la page, comme le moment où Marie cherche Tatiana qui a disparu.

Pour le scénario, rien n'est trop explicite {un changement rafraîchissant de Barbarella}; beaucoup est suggéré, même s'il est déclaré plus tard. Nous découvrons peu à peu que Tatiana est ukrainienne à cause de sa mauvaise grammaire, le fait qu'elle dit « niet », ses bulles qui contiennent soudain le cyrillique, et enfin on l'annonce. Pour la fuite de Tatiana, nous voyons la tête de Marie avec un regard apeuré, et l'onomatopée de la mobylette qui part. Comme cette case est à la fin d'une planche, ça contribue aussi à la suspense susmentionnée.

La musique en cyrillique m'amuse beaucoup, et le contraste entre ce contexte et la violence est intéressant; à un moment, la chanteuse fantôme à l'arrière-plan devient tangible en prenant le père dans sa main. Il y a aussi un changement temporel, parce qu'on emploie quatre cases sur deux planches, chacune montrant une ou deux seconds, pour donner un effet « ralenti ». La prochaine case prend deux planches et nous montre le grand moment quand on s'aperçoit que le père et mortellement blessé {bien que nous trouvions plus tard qu'il va bien, en fait}, et ça nous force de nous concentrer sur ce moment, qui est évidemment très important. Nous avons une vue d'ensemble un peu penchée, pour montrer peut-être la grande bousculade de leur vie.

Sur la planche 21, nous voyons la forêt en plan d'ensemble avec une utilisation de l'espace négative plus évidente que d'habitude parce que le noir de la forêt prend la plus grande partie de la case.

Sur 23, la forêt devient de plus en plus noir avec de plus en plus d'espace négative pour montrer que la nuit tombe.

Sur 29, il y a une case qui se passe dans l'imagination de Marie {avec le conducteur de l'autobus}; la code pour montrer ce phénomène et, plus tard, pour montrer l'utilisation des retour en arrière est une case entourée par des lignes en gribouillis.

On utilise aussi des niveaux de dessin, avec l'avant et l'arrière-plan qui se contrastent, comme sur la planche 38.

Sur 46 il y a un joli contraste entre les deux femmes, l'une avec le sweat et les cheveux noirs qui marchent les mains dans les poches et l'une avec le sweat blanc et les cheveux blonds {nous imaginons; bien sûr, en réalité, ils sont blancs ici} qui marchent les mains en balançant les bras, mais les deux ont le même expression sur leur visage.

Sur 52, on utilise un effet de lumière qui encercle Marie avec le reste de la case en noir pour montrer qu'elle se sent isolée; ici elle est littéralement isolée.

Il y a des légendes pendant que Marie raconte l'histoire de son père et Tatiana, et la partie de l'histoire que nous connaissons déjà se passe pour nous entre deux planches, parce qu'on tourne la page et Adrienne signale qu'elle a entendu tout ce qui s'est passé.

La main de la mère sur 72 me fait penser de la mauvaise belle mère de Cinderella.

La dernière case sur la planche 87 me semble être un jeu de mots, peut-être - on est foutues? :)

Il y a deux séquences qui me confondent un petit peu, c'est celle avec le chat qui chasse le pigeon - est-ce qu'une préfiguration? Et celle avec la chenille qui métamorphose à un papillon avec des ailes aux crânes. Je crois que les deux sont des préfigurations, parce que ce qui arrive juste après, c'est le décalage entre les filles. Par exemple, sur la planche 100, on voit que les yeux de Marie ont beaucoup changé, pour représenter sa perte d'innocence.

À la fin, le sens de « girl power » et le rapport entre les deux femmes reviennent; ce qui importe, c'est ce lien-ci et non celui entre les femmes et leurs amants - elles peuvent se faire confiance l'une à l'autre, même si elles ne peuvent pas le faire avec personne d'autre.

Le côté « film noir » de l'album revient à la fin avec la prostituée, peut-être pour nous rappeler que le monde n'est pas joli quand même.

Libre comme un poney sauvage

Le blog de Lisa Mandel est drôle; elle l'utilise pour amuser ses lecteurs aussi bien que pour leur donner des nouvelles, comme le petit annonce pour « Esthétique et filatures ». Il y a beaucoup de petits trucs amusants et utiles, aussi.

Pomier, ch. 27-28

J'ai déjà écrit à propos le chapitre 27 {voir dessous}.

Le roman-photo s'apparente-t-il à la bande dessinée?

Voici quelques exemples du roman-photo qu'a cité Pomier.

Fugues de Benoît Peeters et Marie-Françoise Plissart:


Fluide glacial, un magazine de Bruno Léandri qui a les « BDPhotos » {ici, on fait une blague sur les velib' qu'on trouve partout à Paris}:

et L'Os du gigot de Gregory Jarry:

Alors, oui, ça ressemble à la BD, bien sûr, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Dans la BD, on peut créer n'importe quel décor et changer de milieu de l'action; on peut même avoir du décor qui ne représente pas quelque chose de réel de notre monde.Et ce n'est pas hors de question de ne pas avoir de décor, alors que dans le roman-photo il faut créer le décor ou choisir un vrai endroit.

Comme écrit Pommier, il y une certaine distance entre le lecteur de la BD et sa lecture, parce qu'on perçoit que ce n'est pas « réel ». Dans le roman-photo, le personnage est un « acteur » auquel on peut s'identifier, et les restrictions auquel sont évidentes et concrètes dans nos têtes. Nous ne croirions jamais qu'un humain que nous percevons immédiatement comme un humain comme nous pourrait, par exemple, flotter.
La temporalité est aussi mise en doute par la réalité d'un roman-photo, alors que dans une BD c'est tout à fait normal pour un personnage de passer d'une époque à une autre.




Ici, dans Le Photographe, les photos démontrent qu'il y a quelqu'un qui regarde {et photographe} les personnages:
Dans une BD, on peut être automatiquement omniscient sans que le lecteur cherche un personnage auquel attribuer ce point de vue.


Enfin, il y a Jean Teulé, qui utilise des photos comme point de départ pour ses dessins:

Ça me fait penser du technique de « matte painting » qu'on utilise dans les films, comme 300 {adapté d'un BD!}



dimanche 19 octobre 2008

Groensteen p. 46-47

Ne les confondons pas

Le cinéma et la BD, bien qu'ils aient beaucoup en commun, sont surtout différenciés par le son et le mouvement {cinéma les a tous les deux, BD n'en a pas}.

Mais la BD peut suggérer le son et le mouvement avec des onomatopées et des traits.Ici, le coup de fusil est suggéré non par une onomatopée comme « bang », mais avec le son et la fuite de l'oiseau dans la troisième case.



Par contraste, vers 1:20, il y a un coup de fusil avec le vrai son {on pratique le passe-temps favori de Sarah Palin}.

Dans la BD, on peut scrutiner les images, faute de mouvement.

Ici, par exemple, on peut examiner la chambre de ce personnage.

Dans le cinéma, les images passent vite. Regardez ce clip de 9:35 à la fin {Désolée que ce soit en espagnole, mais le dialogue n'importe pas dans ce cas}. Est-ce que vous voyez le message presque subliminal?




Influences réciproques

BD influence quelquefois les cinéastes, par exemple Steven Spielberg, ou les films "From Hell", "V for Vendetta", et "Sin City", adaptés des BDs des mêmes titres.

Et le cinéma influence également la BD, avec des prises de vue exceptionnelles, ou l'organisation des cases comme des montages.

De la planche vers l'écran

Voici l'Arroseur arrosé des frères Lumière, inspiré par l'imagerie Quantin.



La BD a inspiré beaucoup de films, comme Spider-man et Daredevil, le premier étant bon et le dernier épouvantable.

De l'écran vers la planche

Les BDs sont aussi inspirées quelquefois par des films; La petite Shirley est visiblement basée sur la vedette Shirley Temple.Il y a aussi des films qui ont devenus des BDs, comme "Alien vs Predator".


samedi 18 octobre 2008

Barbarella

Tout d'abord, Barbarella est évidemment une femme idéalisée, avec son "disdain for needless clothes" et qui "rewards, in her particular fashion, all the handsome men she meets during her adventures".

Le style est intéressant; les dessins sont en noir et blanc avec du violet pour accentuer. Dans quelques dessins, le violet semble représenter les ombres. Il y a beaucoup de hachure, qui donne à la planche un air d'inachevé, mais aussi j'éprouve un sentiment de BD classique des États-Unis, comme les comics, où les personnages sont humanistiques, mais pas tout à fait humains, parce que leurs expressions ne leur donnent pas l'air humain; je pense que c'est surtout à cause des yeux, qu'on ne dessine pas très clairement au lieu de les utiliser pour exprimer les émotions du personnage. Forest emploie le dialogue pour montrer cela, e.g. "You seem sad when you say that!"

Forest utilise aussi des légendes qui décrivent ce qui se passe dans les cases. Sur la deuxième planche, il y a des rosiers à l'avant-plan, ce qui symbolise peut-être la féminité du personnage principal. Comme il y a plus de personnages, des bulles remplacent les légendes.

"The roses are withering" - la perte d'innocence? La case {#4} avec Barbarella sous le rosier qui meurt ressemble à un cœur.
Hmm, évidemment, ce n'est pas difficile pour Barbarella de perdre ses vêtements.

Quelquefois, le dessin est si clairsemé que quelque chose à l'arrière-plan disparaît presque complètement, comme dans la cinquième case de la troisième planche où les personnages font un tour du cité.

Les prises de vue sont, d'habitude, assez traditionnelles - on montre les personnages qui se parlent, qui marchent, etc. mais Forest utilise des niveaux de perspective, comme avec les fleurs à l'avant-plan et les personnages à l'arrière-plan. Il y aussi un peu de hors-champ, quand il montre les bâtiments où sont les personnages qui parlent, et leurs bulles qui viennent du bâtiment.

Ah, les scènes de romance obligatoires...

Les dialogues sont un peu mièvres - "You prefer to cultivate decency", etc. On se moque de soi, ici, comme avec le "revolver" avec un "misplaced sense of the dramatic".

Je ne suis pas surprise que les Orhomrs l'aient déshabillée. Et dans la dernière case de la sixième planche, elle est dans la position de la levrette. Charmant.

L'expression "galactic esperanto" est marrante.

En tant que femme libérée, Barbarella peut embrasser Dianthus et puis se coucher avec son ami Dhan le même jour. Vive la révolution.

Ooh, "a powerful narcotic...extracted from a giant poppy". Sur la terre, on appelle ça "opium". L'intention de Dhan me semble être une référence à la guerre chimique. Comme Forest l'a créée dans les années 60, si cette BD était américaine, je croirais que cette partie était une petite protestation contre la guerre, mais je ne sais pas.

Ah, comme les "poor, defenseless women" ne peuvent pas vaincre le surveillant, elles utilisent leurs corps pour le séduire et le distraire, comme le stéréotype américain des femmes qui se font forcer à se ranger sur le côté.



Et puis l'image du surveillant dans un rosier, le symbole quintessenciel pour la sexualité féminine. Pensez aux, hum, "fleurs" de Georgia O'Keeffe. C'est drôle, aussi, que Barbarella le laisse là en parlant des armes...je trouve qu'elle a bien maîtrisé son propre arme.

L'intrique est un peu disjoint entre les planches. Quelque chose est en train de se passer, puis on tourne la page et la scène a presque complètement changé.

Oh, là là. Sur la planche 11 se trouve un vaisseau extrêmement phallique...et le capitaine s'appelle Dildano, comme une variation sur le mot en anglais pour "gode".

On parle de Medusa, qu'on ne peut pas regarder dans les yeux, comme celle de la mythologie grecque.

Dildano utilise un des rosiers de sable pour vaincre Medusa; la pouvoir des femmes est partout.

Ah! Soudain, la couleur qui surligne les dessins est jaune. Est-ce qu'il y a moins de pouvoir féminine? Ou peut-être que ça indique que les héros ont des ennuis.

La feuille morte sur la 21ème case semble être à l'avant-plan, donc nous ne sommes pas sûrs si c'est vraiment très grosse ou de taille normale.

Sur la 22ème case l'organisation est un peu ambiguë, donc Forest nous donne deux flèches pour indiquer où aller.

Quand Barbarella boit de l'eau sur la 23ème case, l'image fait penser à la pipe.

Encore, avec les taupes, il n'y avait pas de référence pour déterminer leurs tailles, mais quand Barbarella tombe là-dessus, nous voyons qu'ils sont vraiment énormes.

Ah, l'homme qui est mal ressemble à un homme des cavernes; quand il l'appelle un « wench », ça nous dit qu'il n'y a que les primitifs qui pensent que les femmes ne sont pas égales. De plus, elle a coincé son arme phallique, symbole de son pouvoir masculin.

Je ne comprends pas pourquoi elle est « demoralized » en accompagnant Klill. Parce qu'il travaillait avec le chasseur, ou parce qu'il est moche et elle ne veut pas se coucher avec lui?

Les femmes de Yesteryear sont les femmes réprimées du passé, un destin que Barbarella a échappé, grâce à la révolution sexuelle! Quand elle s'habille un peu de plus, nous voyons qu'elle ne se conforme pas - son nouveau costume nous laisse voir ses fesses {planche 32}.

Cette région du planète est très « punk à vapeur »; c'est cool.

Je ne sais pas pourquoi, soudain, on parle du langage des années 50 - « to boot », « chick », etc.

Un autre changement - la couleur est maintenant vert, à la ville putride de Sogo.

Bon, je pense que j'ai touché sur les plus grands éléments de cette BD - les couleurs qui soulignent et qui marquent le changement des épisodes, le vocabulaire scientifique comme « galactic esperanto », le fait que ce n'est pas très féministe en fin de compte, et l'ironie dans le texte.

mardi 14 octobre 2008

Pomier ch. 32, 35-39

Peut-on parler d'une « politique des auteurs »?

Pomier dit que l'anonymat est essentiel si on veut être considéré un « auteur » de bande dessinée, et cite Carl Barks {qui a créé Picsou} et Siegel et Shuster, les créateurs de Superman. Ça me fait penser un peu de l'écorché vif, qui souffre en silence et qui est martyrisé comme Elliot Smith; l'idée qu'il faut rester anonyme et non reconnu pendant des années me semble un peu ridicule. Hitchcock n'a pas été anonyme; en fait, il a paru dans tous ses propres films.
Pomier dit aussi que seul un artiste dont le dessin est coloré et encré par quelqu'un d'autre peut faire du travail reconnaissable comme celui de lui-même, comme Bill Sienkiewicz {voici quelques exemplaires de son travail}.
Par contraste, il y a les séries dessinées par plusieurs artistes différents, comme Superman {voir ce message}. C'est un peu comme les émissions de télévision qui changent au cours des années; dans ce cas-là, on voit les introductions différentes pour la même série qui a été vendue par Nickelodeon à Disney.

Dans les cas où change le scénariste ou le dessinateur alors que l'autre reste, on a tendance à choisir ce qui est loyal - ce qui reste avec la BD - comme auteur. Pensez à Crosby, Stills, Nash, et Young. En regardant ce lien, il ne faut que lire le titre afin de comprendre ce qui ne fait plus partie du groupe.

Enfin, il y a les associés qui partagent tout, comme Dupuy et Berberian {qui partagent même l'adresse de leur site web}. Cette collaboration, où l'on ne peut pas savoir à qui chaque idée appartient, est vu aussi dans le monde de cinéma, avec les frères Wachowski ou les frères Coen, par exemple.

Réalisme ou « gros nez »?

Je suis tout à fait d'accord avec Pomier en ce qui concerne la dichotomie des mondes « réalistes » et « humoristiques ». Avant de parler de ce dont parle Pomier ici, je pense qu'il faut demander: quand un créateur de bande dessinée décide de la commencer, est-ce qu'il {ou elle} se demande dans quel monde sera sa BD? Je pense que non. Si l'on veut séparer le champs de bande dessinée, il lui faut beaucoup plus que deux genres.

Le style « gros nez » va prétendument avec le genre humoristique, y compris le travail d'Uderzo,
Greg,et Florence Cestac.

Il y a plusieurs autres BDs que cite Pomier comme des BDs humoristiques à cause de la rondeur de leur dessin. Mais...si l'on désigne le genre d'une BD selon la forme du dessin, que dirait-on de Koma, avec sa mignonne héroïne aux grands yeux, et son message assez noir, que le monde industrialisé n'a plus rien pour nous, et qu'une jeune fille ne peut même avoir une enfance? Est-ce humoristique? Ou bien, les dessins politiques, comme celui-ci:

Bien que les personnages aient des gros nez, le message est sérieux. Donc, avec cette dichotomie, comment appellerait-on ce dessin? « Réaliste, mais avec de l'humour et des gros nez? »

Il est certain qu'il y a des BDs qui s'organisent dans ces deux genres, mais ce n'est pas toujours évident, comme avec celles où l'on mélanges les styles, par exemple dans Le Petit Christian:
Ici, il est évident que Blutch est bien capable de dessiner quelque chose de « réel », étant donné l'image au deuxième strip de l'homme qui crie, mais c'est difficile de mettre la BD dans un genre particulier.

Je conclus ce chapitre avec un petit visionnage. Quand on analyse la poésie {ou la BD}, est-ce qu'on peut la considérer avec des chiffres et des graphiques?



Couleur ou noir et blanc?

Je trouve que, d'habitude, le choix entre couleur et noir et blanc s'agit de deux choses l'une: soit le temps de colorer manque {ce qui ne peut pas être le cas pour beaucoup d'autres formes d'art, comme la peinture, le cinéma, et la photographie}, soit l'artiste veut s'exprimer dans un style particulier; le noir et blanc est souvent associé avec l'antiquité, la simplicité, l'élégance, etc., et la couleur est bien utile en ce qui concerne le symbolisme {noir = la mort, ce qui n'est pas certain, le mal, etc.}.

Choisir un coloriste qui peut préserver le trait d'un dessinateur est important; sinon, ce que veut montrer le dessinateur peut être perdu pour toujours. Voici le travail d'un coloriste soigneusement choisi, Anne Delobel:Bien qu'on n'ait pas vu la version d'avant {sans couleur}, j'ai l'impression qu'elle a bien préservé les intentions de Tardi, et c'est pour ça qu'il se fie à elle.

Il y a aussi les « maîtres » du blanc et noir, comme Hugo Pratt {la hachure et les ombres sont surtout impressionnantes}:

Grâce à la technologie, il y a des BDs dont la couleur est bien maîtrisée et ne gâche pas du tout le dessin, comme celles d'Alex Barbier:



On a parlé également de Feux de Mattotti comme une œuvre où la couleur est bien utilisée, mais ce que j'ai trouvé surtout intéressant, c'était le fait qu'il emploie la synesthésie {par exemple une voix « de verre »}. Quoique je croie que vous en avez déjà entendu, ce terme décrit aussi une condition neurologique qu'a l'un de mes amis, qui me parle quelquefois des couleurs des numéros; je me demande s'il y avait jamais des auteurs de BDs avec cette condition.

Finalement, il existe aussi des BDs qui utilise la couleur {ou la couleur et le noir et blanc} avec des buts spécifiques, comme l'épisode de Théodore Poussin

dans laquelle on parle de la jeunesse du héros:

L'action se déroule, dans un sens, dans un monde de rêves, comme celui de Dorothy du Magicien d'Oz, où l'addition de couleur change tout {bien qu'ici, c'est seulement la façon dont on emploie la couleur}.

Voici un extrait de La Tour de Peeters et Schuiten, avec un mélange de couleur et blanc et noir:



Ça n'est pas la seule façon dans laquelle on mélange les styles de couleur, ou le blanc et noir avec la couleur; on pourrait trouver plusieurs exemplaires.

Voici une séquence émouvante du film "Schindler's List" qui utilise cette technique.




Qu'est-ce qu'un style?

Pomier parle ici des styles de plusieurs créateurs de BD; je ferai une petite liste afin de ne pas trop écrire.

1. Le style lexical, e.g. la diction dans l'œuvre de Gotlib


Ici, Gotlib emploie le verbe « se chamailler », que j'ai jamais vu avant, et je pense même qu'il se moque de soi un peu, parce que Wothan est un dieu scandinave et le dieu ici parle de l'humour juif {et lui aussi, il est juif}.

On peut aussi employer les jeux de mots, l'argot {utilisé un peu dans Monsieur Ferraille et Koma}, le langage raffiné, etc.

2. Le genre funny animals {vu très souvent chez les studios Disney}

3. la réorganisation du corps humain, comme l'exagération des muscles de Tarzan, ou la représentation architecturale de Schuiten

4. les codes de Réseau Madou, où les personnages étudient des codes de bandes dessinées et le style s'adapte à eux {comme c'est poste-moderne!}


On voit ici les « hachures » dont il parle dans le dessin même.

5. Il y a des auteurs qui changent leur style dans chaque nouvelle BD, comme avec deux oeuvres différentes de Moebius.

6. Il y a des auteurs qui changent leur style dans le même album de BD, comme dans Kitaro


Ici, le décor est beaucoup plus détaillé que ne le sont les personnages, comme la juxtaposition du monde réel avec les dessins animés dans le film "Who Framed Roger Rabbit?" {« Qui veut la peau de Roger Rabbit? »}


Parodie, hommage, ou plagiat?

Nous avons vu beaucoup d'autoréférentialité dans Monsieur Ferraille, avec ses reproductions de Velma, la Fée Bleue, et Batman et Robin, par exemple, et les études de style nous montre que beaucoup de bédéastes imitent leurs collègues ou leurs « ancêtres », si vous voulez, dans le monde de BD; Pomier nous donne les raisons, et beaucoup d'exemplaires de ce phénomène.

D'abord, on a pour les influences des anciens bédéastes et leurs travails, comme avec Blueberry. Voici une image par Jijé, le créateur:


et puis, une autre, dessinée par Gir, imitant ce style:

Les différences entre les deux sont visibles: il y a plus de hachures dans celle de Gir, et l'épaisseur de son trait est plus fine, mais les deux dessins se ressemblent beaucoup.

Pomier dit aussi que les créateurs de BD imitent les autres bédéastes pour célébrer leur passé {soit avec un hommage, soit avec une parodie}. Il en donne plusieurs exemples, mais je ne vais montrer qu'un, parce que ce message est très long et ce n'est pas un concept compliqué.

Voici une planche de Little Annie Fanny de Harvey Kurtzman, une parodie, bien sûr, de Little Orphan Annie.

Et peut-être de Marilyn Monroe aussi?



Pomier parle aussi des auteurs de BD qui empruntent des thèmes ou des styles d'autres seulement et créent leur propres œuvres, une sorte d'imitation qui n'est pas toujours évidente, comme avec Phil Casoar qui imitait le Louis Forton dans ses œuvres sur Benoît Broutchoux.

Imiter quelqu'un d'autre peut être vu comme le plagiat quand on l'utilise trop, mais les références subtiles sont d'habitude appréciées, comme dans les sketch de John Belushi en Joe Cocker.





La bande dessinée doit-elle être « bien dessinée »?

En parlant du style, j'ai affiché une image de Blutch, qui utilisait à la fois un style simple et un qui était plus réaliste. Au lieu de montrer tous les exemples donnés dans ce chapitre, je vais dire ça: une BD, si elle accomplit son but {donner un message, raconter une histoire, montrer des belles images}, est un succès, aussi « moche » qu'elle soit. Pomier fait mention de Reiser, qui a un style peut-être primitif, mais élimine toujours le superflu. Même si un bédéaste n'utilise pas tout son talent de dessin dans ses œuvres, il ne faut pas considérer ce travail raté.