mardi 25 novembre 2008

Doutes des gauches

Garduno, en temps de paix, de Philippe Squarzoni

La désobéissance sociale - un thème très commun entre les jeunes d'aujourd'hui. Après avoir lu un peu de cette BD, j'ai pensé tout d'un coup au film Fight Club:



Cette scène exprime quelques sentiments dont parle le personnage principal de Garduno, en temps de paix - l'idée que nous suivons la société, se laissant aller comme des obéissants. Plus tard dans le film, on commence des mouvements pour changer le monde; ayant assemblé un groupe de gens qui l'écoutent, le personnage de Brad Pitt contrôle une véritable armée de la désobéissance sociale. Un film très populaire parmi les jeunes.

Il y a aussi le rappeur Immortal Technique, qui est aussi énormément polémique; regardez ce vidéo, qui est accompagné sur YouTube par le commentaire « Viva la revolucion! » Il y a aussi les intervalles où on montre des nouvelles pour choquer tout le monde.



Les paroles sont incroyables; voici une version qui les montre pendant qu'on écoute la chanson.

Ce n'est pas que je condamne cette sorte de manifestation; je trouve que Immortal Technique est très intelligent, la chanson est bien composée et informative, et c'est difficile de faire faire attention aux gens, aujourd'hui, sans les choquer. Mais même ce genre de truc devient un peu fatigant après quelque temps, parce que je sais qu'il y a tellement de gens qui l'écoutent, qui le comprennent, qui sont émus, et puis qui retournent à leurs canapés. Même moi, je suis coupable - comme étudiante, je me dis que je n'ai pas le temps de faire quelque chose de signifiant et que j'ignore trop pour faire quelque chose d'aussi extrême. Et à quel moment devient-elle une manifestation comme ça trop extrême? Dans Fight Club, Tyler Durden crée une sorte d'enceinte de gens qui l'écoutent - alors comment ça ne serait-il pas l'obéissance? Et en plus, son dernier but est de sauter les QG des entreprises qui contiennent les dossiers pour toutes les cartes de crédit, pour mettre tout le monde au même niveau. Je trouve ça un peu extrême.

On parle des régimes comme celui de Adolf Hitler, contre lesquels il faut se battre au lieu d'écouter et de se laisser aller. Mais il est bien difficile d'avoir cette sorte de perspective quand les évènements d'aujourd'hui sont exactement ça: ils se passent aujourd'hui. Les infos nous livrent leurs opinions sur ce qui arrive dans le monde chaque jour, mais ce n'est pas tout à fait comme des livres scolaires d'histoire qui, traitent-ils subjectivement les évènements de l'histoire ou pas, ont tendance à être d'accord sur le gouvernement de Hitler: c'était mal, il faisait des atrocités, etc. Mais aujourd'hui, quand on entend de Fox News {connu pour être très droite} que tout va bien avec le gouvernement américain, et de la culture populaire comme Immortal Technique qu'il y a beaucoup que cache le gouvernement, qui est-ce qu'on croit? On dit toujours que des amateurs ont construit l'arche de Noé, et que des professionnels ont construit le Titanic.

De toute façon, cette BD est comme un roman qui exprime les sentiments de désobéissance sociale, des mouvements anti-mondialistes auxquels on veut exposer le monde. Squarzoni utilise des techniques polémiques, lui aussi, pour nous saisir l'attention; ses mots sont importants, mais il les complète avec des images pour insister sur ses buts. Par exemple, il y a la carte postale imaginaire pleine d'images des camps de concentration. Plus tard, il parle du gouvernement qui cache quelque chose, et il montre un caméléon, comme si le gouvernement se cachait de nous exprès. Il y a aussi l'image du navire des explorateurs avec, à l'arrière-plan et très peu visible, une photo granuleuse de McDo, un grand signe du mondialisation, ce qui montre la connexion entre les deux pour nous faire nous mettre en colère contre l'histoire.

Cette BD est aussi très artistique pour se faire prendre au sérieux. Au certains moments, elle ressemble à un film - il y a plusieurs sortes de plans {gros, d'ensemble, américain, etc.} du personnage principal. Le découpage aussi est important; pour ainsi dire, il y a une certaine beauté dans l'organisation des images. Enfin, il y a le jeu de mots très intéressant et répété des premières planches entre « occupé » et « libre », ce qui est aussi un peu polémique, nous rappelant des camps de concentration, la France pendant la Seconde Guerre mondiale, etc.

Je ne me moque pas de cette BD, mais comme j'ai dit, l'utilisation de la controverse pour livrer un message politique est un peu cliché aujourd'hui. C'est dommage, parce qu'il semble donc que le monde se trempe de plus en plus dans l'apathie. Et pour conclure avec un peu d'amusement, je vous montre une blague géniale sur ce cliché. J'adore Taylor Mali.

! Il faut vous signaler: j'ai oublié de faire mention du titre, et c'est là ou se trouve la blague. Ce poème s'appelle « How to Write a Political Poem » {« Comment écrire un poème politique »}.




La vie secrète des jeunes, de Riad Sattouf

On a examiné quelques planches de cette BD pendant le cours.

La première planche que nous avons vue s'agit d'un fondamentaliste qui essaie de convertir un SDF à l'Islam. D'après son habit, c'est un Musulman {le chapeau, la « jupe »} et c'est un habitant de la banlieue {les baskets Nike et le sweat Adidas qu'on achète pour ne pas faire « pauvre », mais ce phénomène se passe si souvent que ce n'est que les pauvres qui les portent, d'habitude}. Il parle au SDF pour le convertir, puisqu'il est évidemment très pauvre et donc a besoin de la spiritualité, mais le SDF veut qu'on le laisse tranquille {ce qui n'est pas déraisonnable}, et il fait peur au Musulman. Alors, bien que le Musulman soit pauvre aussi, il a peur des SDF comme la bourgeoisie. Voici un peu d'ironie; le Musulman emploie des mots comme « cousin » qu'on utilise entre les Musulmans et dans la banlieue pour évoquer un rapport, mais il ne réussit pas, à la fin, car il ne peut pas comprendre le SDF et car il n'est pas, en fait, comme lui.

Après, il y avait le racisme de la police française contre le « reunoi » dans le métro. Bien qu'il n'ait pas l'air d'un type dangereux, les gendarmes le harcèlent à cause de la couleur de sa peau. Il n'y a pas beaucoup d'autre à dire à ce sujet, parce qu'on sait que cette sorte de discrimination se trouve partout. Mais comme j'aime le film, je vais vous diriger vers un clip vidéo du film Crash qui parle du racisme, si ça vous intéresse.

La prochaine se moque de la bourgeoisie et leur capacité de ne pas voir les gens moins riches qu'eux. Le jeune garçon est blond et bronzé - des signes de richesse - et Sattouf fait mention de Jean-Jacques Annoud



et de Élie Chouraqui



pour décrire la coiffure du garçon, mais en même temps il s'en moque davantage parce que ces deux allusions se réfèrent aux gens qui se prétendent intellectuels mais qui sont en fait bêtes.

Il y a quelques jours, je suis allée au Musée Picasso dans le Marais, et là j'ai eu une expérience similaire {mais, heureusement, sans le caca}; chaque habitant du quartier que j'ai passé ne me regardaient pas du tout, comme si je n'existais pas.

Bon, alors dans l'ensemble Sattouf se moque des gens des différentes classes sociales, les fondamentalistes, et la discrimination en générale qu'il voit chaque semaine dans les rues de Paris. Cette idée de la « vie secrète », je suppose, est censée être ironique; si ce qu'il voit en public est la vie secrète, ils sont comment chez eux? Ça me fait penser à une expression très fréquente chez les professeurs de l'école primaire aux É-U; quand un enfant se tient mal, on lui dit « Est-ce que tu ferais ça chez toi/devant ta mère? » Cette phrase veut dire que les enfants ont tendance à s'inquiéter des opinions de leurs parents, mais pas celles de leurs professeurs. Mais plus tard dans la vie, on peut faire n'importe quoi chez soi, et c'est dans le public qu'il faut bien se comporter. Alors...si les jeunes, dans leur vie secrète qui se passe dans la rue, se comportent aussi mal en public, comment font-ils chez eux? En générale, il me semble que Sattouf n'est pas content avec notre monde, tout comme Squarzoni et son personnage principal.

2 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

"des amateurs ont construit l'arche de Noé, et des professionnels ont construit le Titanic"... :) ce qui est bien avec votre blog, c'est que j'y apprends des choses. Une belle réflexion sur l'art politique, ses moyens et ses effets: comment "changer la vie" sans sombrer dans la contre-propagande ? Je vous suggère une lecture philosophique qui vient de sortir en librairie : le Spectateur émancipé, de Jacques Rancière.